Le parcours touristique « classique » aurait dû nous mener, pour la suite de notre séjour en Malaisie, sur l’île Tioman ou au coeur du Taman Negara, le grand parc national. Seulement, nous avions envie de profiter de la relative facilité de déplacement dans le pays pour sortir des sentiers battus et explorer des endroits un peu moins peuplés.
C’est ainsi que nous nous sommes lancés dans un trajet de 9 heures depuis les Perhentian pour atteindre la petite bourgade de Cherating, sur la côte est. Ce qui nous a attiré ? Quelques lignes dans le Lonely Planet qui parlait d’un endroit dont tout le monde ne voyait pas le charme, où artistes malais et voyageurs se mélangeaient sans peine et où régnait une douceur de vivre à laquelle on pouvait s’attacher. Cette ville est également un grand repaire à surfers durant la mousson et un ancien haut lieu des hippies des années 70. (Ce qui explique que nos parents semblaient mieux connaître cette ville que nous… hum hum).
Une fois déposés au croisement de la nationale et d’une petite rue paisible, nous découvrons un endroit calme, jonché de petites maisons, de guest house et de boutiques de batik (art malais). Nous essayons une première guest house où nous sommes accueillis avec une extrême gentillesse mais qui est complète. Nous sommes vendredi et pas mal de malaisiens viennent ici pour le week-end.
Nous trouvons finalement notre bonheur à la Villa de Fedelia, où des chalets très bien entretenus sont lovés au coeur d’un jardin verdoyant et d’un petit étang, tout ça à deux minutes à pied de la mer. Le lieu est tenu par une famille dont le fils, notre principal interlocuteur est extrêmement doux et aime passer du temps à discuter avec ses hôtes.
Comme il est déjà tard quand nous arrivons, nous allons juste au Nabil Café, un peu plus loin pour déguster des plats locaux délicieux.
Le lendemain, nous avons en tête de louer un vélo le matin pour aller voir la réserve de tortues à 3km. Seulement voilà… comme je vous le disais déjà dans l’article précédent, il semblerait que notre corps en ce moment nous réclame un peu de repos. Il faut dire ce qui est, un voyage comme celui là, aussi exaltant qu’il soit, ne ressemble pas à des vacances et le rythme soutenu des visites, déplacements etc. ne peut pas être tenu en continu sur six mois. Il faut des vacances dans le voyage. C’est ce que nous avons fait aux Perhentian, mais visiblement, ce n’était pas suffisant. Du coup, acte manqué sans doute, nous avons oublié de mettre un réveil et nous sommes levés à 11 heures du matin, quand la chaleur est bien trop forte pour se promener.
Un peu désemparés au départ, nous décidons de marcher un peu à l’ombre et d’aller nous renseigner sur les deux activités qui nous intéressent ici : un cours de batik (enfin ça c’est surtout pour moi, Nico n’est pas très emballé), et une promenade de nuit sur la rivière pour observer les lucioles en compagnie d’Hafiz, un passionné autodidacte.
Une fois ces démarches effectuées, nous longeons la grande plage à marée basse et observons un tournoi de foot sur le sable avant de déguster un riz frit à l’ananas dans une gargotte non loin de là. Et nous prenons le temps de savourer cette douce ambiance où il fait bon vivre.
Dans l’après-midi nous nous séparons et, tandis que Nico flâne à l’hôtel, je me lance dans mon cours de batik. C’est génial ! D’autant que je fais ça dans une petite boutique où il n’y a que la prof et moi. Je dessine d’abord au crayon papier avant de repasser toutes les lignes avec de la cire. Après quoi, libre à moi de peindre avec les couleurs que je souhaite. Le tout me prend trois grosses heures mais je suis ravie. Il ne reste plus qu’à ce que tout cela sèche, et je pourrai le récupérer le lendemain.
Ce moment est très agréable. Outre l’aspect créatif, c’est aussi une façon d’observer la vie locale pendant quelques heures. Les gens vont et viennent et le calme est impressionnant. Quelques voitures, quelques clients, passent de temps à autre, mais le seul bruit que l’on entend vraiment, c’est celui de l’orage qui gronde au loin et donne au ciel une ambiance électrique.
La journée s’achève au Matahari restaurant où Nico se prend une belle assiette de calamars frais et frits !
Le lendemain, nous optons pour le repos complet et passons simplement prendre mon estampe. Nous sommes ainsi frais et dispos pour l’activité du soir : l’observation des lucioles.
D’emblée, Hafiz a quelques chose d’attachant. Nous sommes dans son petit local où il a installé des chaises pour parler des lucioles avant que nous allions les observer. Nous sommes une dizaine d’occidentaux et le calme est rompu par l’arrivée d’un car de chinois bruyants. Hafiz ne se laisse pas démonter et commence son speach avec passion. Il a même un petit micro sans fil qui lui permet de passer au dessus des cris des chinois. Son discours est instructif et bien mené.
Nous embarquons ensuite dans les bateaux. Allez savoir si c’est fait exprès ou pas mais nous nous retrouvons avec tous les occidentaux dans un bateau, conduit par Hafiz, pendant que les chinois montent dans d’autres embarcations.
Il faut quitter le village pour bien voir les lucioles. Pour cela nous passons sous un pont si bas que nous devons tous nous baisser et nous mettre à plat. C’est assez comique.
Comme les lucioles se servent de leur lumière pour communiquer entre elles, nous ne pouvons pas prendre de photos. La moindre lumière vive trouble leur communication. Le moment est enchanteur. Nous observons des dizaines de petits points verts qui clignotent dans les arbres, au milieu de la mangrove, dans un noir total. Mais là où ça devient magique, c’est lorsque Hafiz met en route sa lampe un peu spéciale. Il ne sait pas trop pourquoi mais elles y réagissent, si bien que tout à coup, l’arbre s’éclaire totalement et des dizaines de lucioles volent jusqu’à nous ! Leur reflet éclaire la rivière et nous avons tous de nouveau cinq ans ! On se croirait au coeur d’un Walt Disney ! Par moments elles viennent même se poser sur nous !
Alors qu’Hafiz annonce notre dernier arrêt, les bateaux avec les chinois s’en vont et nous poussons un peu plus loin, seuls ! On se sent vraiment chanceux et nous profitons des lucioles pendant encore un bon moment. Cet endroit est merveilleux. Nous quittons le petit monde d’Hafiz des étoiles plein les yeux…
Cette soirée s’achève à la perfection puisque nous allons dîner au Don’t tell Mama, le bar un peu branché de la ville qui passe du reggae en boucle. Nous commandons un cheeseburger énorme et soudain, alors que notre assiette arrive, un serveur vient nous voir et nous propose… du bleu !!! Oui du vrai bleu ! On en met dans le cheeseburger et c’est la joie la plus totale ! Le serveur nous prévient « attention c’est un peu fort ! » et nous de lui répondre : « oh la ! Pas de problèmes, nous sommes Français ! ». Un grand moment ! Nous réalisons pourquoi des gens peuvent s’attacher à ce lieu où, je cite Nico : » on ne se sent pas étranger, on a l’impression de faire partie de la famille. »
D’excellente humeur le lendemain, nous prenons nos sacs à dos pour rejoindre une destination apparemment très très peu fréquentée, le lac Chini. Dans le guide, ils expliquent que le trajet pour s’y rendre est un peu compliqué. Eh bien c’est là qu’on voit qu’on a pris de la bouteille ! Non seulement ça ne nous fait pas peur, mais à vrai dire, on ne trouve pas ça si dur : « attends, on a fait le Laos nous ! » 😉
Nous attendons donc une quarantaine de minutes le bus local pour Kuantan, au bord de la nationale. Puis arrivés en ville devons patienter deux heures avant que le bus à destination de Chini ne parte. Alors qu’il ne semblait y avoir personne, une foule se rue vers le bus quand il ouvre ses portes et nous faisons une percée miraculeuse pour avoir des places. Le trajet dure deux heures et on ne peut pas mettre les sacs en soute : il n’y a pas moyen qu’on soit debout, non mais !
Le bus est plein à craquer mais dans une bonne humeur qui ne cesse de nous fasciner. Partout où nous sommes allés depuis le début de ce voyage nous avons eu affaire à des trajets improbables, souvent plus longs que prévu et la décontraction des gens, leur facilité à se parler alors qu’ils ne se connaissent pas nous laissent toujours un peu admiratifs.
Au bout de deux heures, nous descendons, comme indiqué dans le guide à l’arrêt de bus Chini 2 (ils ont toute une série d’arrêts numérotés comme ça) et appellons la Rajan Jones Guest house, le lieu où nous allons séjourner, pour qu’elle nous envoie une voiture. En effet, le lac se trouve à 8km de là, dans le village de Kampung Gunum.
Dans le Lonely, Rajan est décrit comme un homme passionné de faune et de flore, parlant très bien anglais et organisant des treks dans la jungle et des ballades en bateaux. Mais à notre arrivée, c’est une vieille dame qui nous accueille. La même que nous avons eu au téléphone. Elle nous sert le thé, alors que nous posons nos sacs dans la chambre : une pièce dans une bungalow en bois avec matelas au sol, moustiquaire et ventilateur.
Nous réalisons que nous sommes les seuls pensionnaires ! En parlant avec Nee, notre hôte, nous apprenons que Rajan est décédé. Du coup, il a n’y a plus de trekking. ça nous fait un pincement car le lieu porte encore toutes les traces d’une activité de passionné.
Alors que l’orage commence à gronder au loin, nous décidons d’aller jeter un oeil au lac. Il faut marcher moins d’une dizaine de minutes pour l’atteindre et nous ne sommes pas déçus ! Le lieu a quelque chose de mystérieux. Berçant le village orang asli (une des grandes minorités malaises) d’un calme incroyable, il a des airs de lac écossais. Les habitants entretiennent d’ailleurs la légende d’un monstre qu’on apparente à celui du Loch Ness.
Les plantes poussent au coeur du lac aux eaux sombres et le ciel se fait de plus en plus menaçant jusqu’à ce que des éclairs le déchirent. Nous restons un moment à contempler le spectacle avant de rentrer : la pluie n’est plus très loin. Nous faisons une halte à l’unique épicerie du village, dans une petite maison et prenons à boire. Il y a de la bière et même de la Guiness ! Nous ne pouvons résister. Alors que nous allons payer, un garçon arrive avec un bébé singe en couche ! Il est adorable. Nous demandons comment il s’appelle et la réponse nous fait bien rire : Niko !
Les enfants nous laissent le porter et sa bouille nous fait craquer !
Alors que nous revenons à l’auberge, la pluie commence à tomber puis l’orage arrive avec une grande violence. Je n’en mène pas large ce qui amuse beaucoup Nico, et nous dînons au rythme de la tempête. (Dans cette auberge, le prix comprend la chambre, le petit déjeuner, le thé de l’après-midi avec les biscuits et le dîner).
Quand l’orage se calme, nous ouvrons nos bières et restons sous le porche à savourer notre tranquillité et notre solitude. Nous passons une nuit paisible, dans cette maison à la lisière de la jungle où les bruits d’animaux divers ne s’arrêtent jamais.
Le lendemain matin, nous décidons de louer la barque de la guest house pour nous promener sur le lac. La mettre à l’eau est déjà une grande épreuve, il faut la sortir d’une remise à une centaine de mètres et la transporter jusqu’à l’embarcadère. ça pèse drôlement lourd !
Nous nous lançons et restons ébahis par ce calme incroyable. De temps en temps, nous croisons un bateau avec un ou deux pêcheurs mais pour le reste, il n’y a que la nature et nous. Malgré les nuages, le soleil chauffe énormément. Nous faisons halte au « resort » voisin, pour leur demander s’ils organisent des treks et réservons pour le lendemain, une promenade de deux, trois heures dans la jungle environnante. En poursuivant notre chemin, nous nous arrêtons au milieu des roseaux et des fleurs de lotus en bouton et écoutons les chants émanant de la mosquée, à l’heure de la prière. Ils sont magnifiques. Des choeurs par moment se rajoutent et nous sommes très émus.
Nous faisons ensuite halte dans un minuscule village constitué de quelques maisons en bois, de toilettes/douches communes et d’une petite scène et gradins. La vie ici semble hors du temps. Nous croisons en chemin des infirmières que nous avions vues dans notre village en partant. Nee nous a expliqué qu’elles viennent tous les mois faire des consultations.
Alors que nous prenons le chemin du retour, l’orage commence à gronder. Je redouble d’effort en ramant ce qui évidemment amuse Nico. Nous galèrons bien en ramenant le bateau à la remise et je me le prends en partie sur le genou ce qui me vaut à présent un beau bleu et une peau bien enflée !
Dans cette remise, qui appartenait aussi à Rajan, règnent les vestiges d’une vie et d’un lieu qui semblait joyeux. C’est un peu comme si son fantôme bienfaiteur planait là. Un sentiment étrange mais pas désagréable.
Il ne fallait pas traîner plus longtemps. A peine dix minutes après notre retour à la guest house, la pluie tombe à torrent. Nous aimons rester sur notre terrasse à observer les gouttes tomber et les éclairs déchirer le ciel. La vie suit un autre rythme auquel il est délicieux de se prêter un moment. Nous sommes biens.
En nous réveillant ce matin, nous avons la mauvaise surprise de découvrir la pluie. Qui plus est, Nee nous parle des treks qu’organisait Rajan et nous réalisons qu’ils n’ont rien à voir avec celui proposé par le resort. Du coup, nous décidons d’annuler et changeons un peu nos plans. Alors que nous pensions rester une nuit de plus ici, nous sommes repartis à Kuantan. Demain, nous essayerons de visiter un peu la ville et de faire quelques achats avant de repartir à KL vendredi matin pour prendre notre avion direction Bali, en fin d’après-midi. Le chemin jusqu’à l’arret de bus de Chini, à l’arrière d’une camionnette aura été assez folklorique !
Voilà pour nos dernières aventures. Ce moment un peu hors du monde et hors des sentiers battus nous a beaucoup plu et nous ne regrettons pas nos choix. Encore un peu de repos et nous serons de nouveau d’attaque pour la découverte de l’Indonésie ! A bientôt !
5 Responses
Salut les touristes. Encore de belles photos et des histoires encore plus belles. Continuez à nous faire voyager hors des sentiers battus.
Gros bisous.
Arno
Bien belles photos. Je vois que Nico s'est fait un pote, t'aurai du emmener un maillot de l'OL en taille xxs, t'aurais pu nous faire que ton ami singe etait un supporter.
Merci encore de nous faire partager tous ces moments.
PS: Marseille a 4 points d'avance.
Encore de belles aventures que vous nous racontez , de jolies rencontres, des très belles photos.
La rencontre avec les lucioles m'a enthousiasmée et le petit NIKO semblait bien heureux dans vos
bras… Voyage passionnant, merci de nous l'avoir fait partager. A bientôt pour de nouvelles découvertes
et bonne continuation. Grosses bises. BRUNA
Tout comme l'éléphant on veut bien récupérer Niko le petit singe 🙂
Les paysages sont envoutants,hypnotiques.On ressent sans peine ce moment suspendu hors du temps.
Merci pour ce partage.
On vous embrasse.
Merci pour ce récit qui va m'aider à construire notre aventure! L'observation des lucioles de nuit notamment! Bonne continuation!