Aujourd’hui c’est un article un peu plus personnel et moins humoristique que j’aimerais partager avec vous. Une réflexion qui me vient au fil des semaines passées en Italie et qui m’interroge sur le sens que prend ce départ pour moi.
Pour cela je me dois de replacer un peu le décor : je suis issue d’une famille déracinée et cela m’a toujours habitée. Depuis toute petite j’ai toujours eu envie d’ailleurs. Partir découvrir le monde, trouver ma place quelque part sur la Terre. Une sorte de rêve, d’utopie d’un endroit où je pourrais pleinement exister, un rejet quelque part aussi de ce pays, la France, qui a pourtant accueilli mes parents.
Car mes parents ne sont pas vraiment d’ici. Mon père et mes grands-parents ont dû quitter l’Algérie en pleine guerre, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. L’Algérie qui, elle-même, avait accueillie plusieurs générations de mes ancêtres, tous arrivés de différents pays méditerranéens (Malte, Espagne, Italie). Et j’ai sans doute longtemps rejouer en moi-même cet arrachement. J’avais d’ailleurs écrit un article un peu en miroir de celui-ci, il y a quelques années. Je vous invite à le lire si vous avez 5 minutes : Le mal d’un pays que je ne connais pas.
Ma mère quand à elle, est née en France après que ses parents aient quitté l’Italie quelques temps auparavant. L’Italie… Elle a toujours baigné dans cette culture et nous avec. Mes grands-parents mélangeaient sans cesse français et italien lorsque nous les voyions. Beaucoup de ce que je vois depuis que je vis en Italie m’est un peu familier.
Longtemps j’ai pensé que ma place n’était pas en France, que moi aussi je devais opérer ma propre migration. Cette envie je l’ai en partie réalisée lorsque nous sommes partis six mois avec Nicolas à travers l’Asie du sud est et l’Australie. Mais au retour, ce n’était pas encore bon. J’en voulais plus. Je voulais profondément m’expatrier.
Et puis, quelque chose à changé. Elliot est arrivé. Mon fils, mon tout petit, m’a ancrée en France. Soudain, le sens que je cherchais à tout ce mélange, à toutes ces envies, est apparu. Et progressivement ce besoin viscéral d’être « partout sauf ici » s’est effacé. J’ai commencé à bâtir véritablement ma vie.
Ce sentiment est devenu d’autant plus fort quand deux ans plus tard, je suis tombée enceinte de Chiara. Nous avions trouvé notre maison (même si au départ, quitter ma Croix-Rousse adorée pour aller à la campagne ressemblait un peu à une expatriation), je rêvais de ce deuxième enfant, j’avais les amis, la famille tout était à sa place.
Seulement voilà, la proposition de poste à Milan est arrivée. 2 mois seulement après que mon grand-père maternel, dernier garant de cette identité italienne ne nous ait quitté. Sur le coup, cette idée de tout quitter ne m’a pas vraiment enchantée. Puis le goût de la découverte, l’opportunité professionnelle pour Nico nous ont fait penché vers ce départ. Ce déracinement.
Car oui, finalement c’est bien cela qui s’opère. Moi qui ait toujours revendiqué fièrement mon héritage méditerranéen, me retrouve aujourd’hui arrachée à ma culture : la France. Le pays où j’ai grandit, le pays où je me suis construite, le pays où je me suis trouvée. Et en me rapprochant de mes origines, je m’éloigne de moi-même. N’est-ce pas ironique ?
Alors oui c’est vrai, aujourd’hui j’ai un peu le mal du pays et je me demande parfois ce que je fais ici. Tout en ayant conscience que je ne peux pas vraiment me plaindre et surtout qu’il y a forcément un sens à donner à tout ça. Que tous ces mouvements qui m’ont précédé m’ont d’une façon ou d’une autre conduits jusqu’ici.
C’est un peu un cercle sans fin car, lorsque nous rentrerons en France, l’Italie sera la « norme » pour nos enfants et ce sont eux qui seront de nouveau arrachés. Mais en attendant que faire ?
Cette expatriation vient à la fois piquer là où ça fait mal et résoudre un conflit intérieur qui m’a guidée toute ma vie. Je crois qu’il s’achève ici, en Italie.
Reste pour moi à construire l’après. À faire en sorte que ce pays qui pourtant coule dans mes veines devienne véritablement le mien pour les temps à venir. À ne plus en être simple spectatrice. L’expatriation n’est pas si simple. Mais je sens aussi qu’elle va me donner la force de m’accomplir au delà de tout ce que j’ai pu faire jusque là. Un nouveau cycle est en marche. Patience…
2 Responses
Il faut accepter d’être d’ici et d’ailleurs, et d’être toujours l’autre de quelqu’un. On peut se sentir plus déracinée dans une autre ville du pays où l’on a grandit que dans celle d’un pays étranger. Aujourd’hui, en Europe, c’est tellement facile de circuler, de communiquer, les frontières nationales n’ont plus de sens. Il n’y a plus rien de figé, il n’y a d’ailleurs jamais rien eu de figé. Il faut toujours s’adapter, ou bien on meurt.
Est-ce que tu t’es fait des amis déjà à Lodi?
Tu as tout à fait raison Marinette. Il n’y a pas à tortiller, il faut s’adapter. Il y a forcément des hauts et des bas mais il faut rester confiants. Non pour le moment je ne connais pas grand monde à Lodi, mais je suis entrain d’y remédier 😉