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[Témoignage] Quand l’expatriation est mal vécue : Nadège

mal vivre son expatriation

Il y a quelques temps, je lançais un appel à témoin pour recueillir l’expérience de celles qui, comme moi, n’avaient pas vécue leur expatriation comme un bonheur intense. Nadège et Christine ont eu la gentillesse de se prêter au jeu et de me raconter la réalité contrastée à laquelle elles ont dû faire face. Leurs témoignages étant très denses, j’ai décidé de les scinder en deux articles. Voici aujourd’hui Nadège, expat en série. Nous découvrirons celui de Christine, au Brésil, demain.

Nadège, 49 ans, 3 enfants, éternelle expat

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Bonjour je m’appelle Nadège, tous mes enfants sont nés en expatriation et je vis encore à l’étranger. J’ai monté ma société et je suis facilitatrice de transitions pour les femmes « trailing Spouses ». Je suis franco neo-zelandaise (kiwi par adoption et par choix). Je vis actuellement a Barcelone, ville de notre choix et j’ai pris la décision de ne plus être expatriée de pays en pays et donc de m’établir ici jusqu’au 18 ans de mon dernier.

Depuis combien d’années vis-tu hors de France ?

J’ai vécu à l’étranger déjà entre mes 17 et 19 ans, puis retour en France jusqu’à l’âge de 27 ans, date a laquelle j’ai rencontré mon mari. C’est là  que nous avons commencé la vie a l’étranger. Je suis donc expatriée depuis 21 ans. J’ai vécu au total dans 11 pays différents, mais 9 avec mon mari, et 8 avec mes enfants.

Dans quel pays as-tu mal vécu ton expatriation ? S’agissait-il de la première ?

Mon expatriation la plus difficile fut celle en Indonésie à Jakarta. C’était pourtant mon pays numéro 6.

J’ai appris que quantité ne veut pas forcement dire tout connaître…

 

Dans quel contexte es-tu partie ? (avec des enfants, pour suivre le conjoint, en quittant un emploi ? Sans emploi ?)

Je suis partie avec mes 3 enfants, en conjoint suiveur, comme depuis un certain nombre d’années même si parfois je travaillais sur place. Le changement s’est fait après un passage rapide en Italie, ou nous ne sommes restés qu’un an. Donc en 1 an nous avons fait 3 pays, 3 écoles pour les enfants…

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi ?

TOUT !! J’ai détesté Jakarta dès que nous avons atterri pour la visite de découverte. La chaleur, les odeurs nauséabondes, la surpopulation, la pollution, la circulation, les embouteillages. J’ai été aussi touchée par la pauvreté du pays, les bidonvilles, la misère….

Que ressentais-tu ?

Tristesse, colère, peur, dégoût… .

Selon toi, le problème venait-il de toi ou du pays ?

Je ne pense pas que l’on puisse dire que le problème vienne du pays, c’est bien moi qui avait un problème avec le pays (quoique je pourrais débattre sur cela**).

J’etais overwhelmed par les changements, fatiguée des déménagements, de soutenir émotionnellement les enfants… Je pense que j’étais a la limite du burn out, mon ainée ayant 10 ans, TdaH (trouble déficitaire de l’attention), ma 2ème 9 ans, et mon fils a peine 2 ans et demi. J’étais physiquement fatiguée (un déménagement entier Budapest-Gênes, installation a Gênes, pour 6 mois plus tard refaire le même déménagement Gênes -Jakarta, un contenaire de taille maximale). Et puis j’adorais l’Italie, et je ne voulais pas quitter cet endroit pour une ville de fous.

As-tu songé à rentrer en France ?

Non, car je suis une battante… Et que même quand je n’aime pas, certes je dois certainement râler, mais je suis hyper sociable, donc je me fais tout de suite des amis/connaissances… Je suis très caméléon, et je m’intéresse à plein de choses, tout en aimant être aussi chez moi. Bref, je ne sais pas m’ennuyer, et comme j’aime cuisiner et suis aussi assez creative, j’ai toujours de quoi m’occuper.

Quelles solutions as-tu mis en place pour avancer et améliorer la situation ?

Moi je survis avec les autres…. J’ai rencontré ma meilleure amie indienne qui m’a aidée à accepter les différences, mais aussi à mieux comprendre. Par exemple gérer le personnel de maison m’était très difficile. J’ai appris grâce aux autres femmes expatriées qui avaient l’expérience, pour mieux appréhender les soucis liés a cela. J’ai aussi tout de suite participé aux internationals women associations. J’ai ensuite fait du bénévolat, c’est là que j’ai trouvé une vraie bouée de secours : m’impliquer au quotidien pour les autres tout en mettant en œuvres mes qualités et mes connaissances.

Soyons honnêtes, pour s’épanouir dans le bénévolat, il faut être égoïste et y trouver son compte. Sinon cela ne fonctionne pas.

Au final, es-tu parvenue à apprécier ton expatriation dans ce pays ?

J’apprécie beaucoup d’éléments de ce pays : j’adore la cuisine indonesienne, j’adore le teck, j’adore le batik. Je suis une adoratrice du Kfe indonesien et je pense qu’il n’y a pas meilleur que le Kfe indonesien. J’ai fait de beaux voyages, rencontré des gens extraordinaires. Il faut aussi se rappeler que l’Indonesie, ce n’est pas Jakarta. C’est important de le souligner, car le pays est une mine de belles choses. Il ne faut pas se fier aux photos, surtout celles que l’on met dans un article ou sur Facebook… Les gens pensent qu’on est à la plage (Bali est bien loin de Jakarta) et que l’on se prélasse au bord de la piscine toute la journée… Jakarta n’est pas une ville agréable. Je ne connais pas d’expat qui aime Jakarta. Et ceux qui disent  » bon heureusement il y a Bali », il faut savoir que cela ne se fait pas sur un week end. La circulation à Jakarta est un ENFER.

 

Ces mots que l’on dit tout bas…

J’ai expliqué que la question de savoir si le pays ne m’aimait pas pouvait se poser… Je vais aborder ici un sujet très tabou en expatriation, et pourtant bien réel : les relations extra conjugales.

Je dirais qu’au fond de moi, je savais que Jakarta serait un challenge pour moi, et mon couple…. Arriver affaiblie émotionnellement et physiquement à aider mon couple à se précipiter dans une situation difficile et là le pays est un problème. Des filles partout, jeunes, plutôt exotiques.

Une circulation tellement difficile que les hommes ont tendance a partir tôt et rentrer tard pour éviter les embouteillages… Ce qui amène les expats hommes a fréquenter les bars et restaurants autour des bureaux…. Si j’ai réussi à m’adapter à Jakarta, mon couple lui n’en est pas sorti indemne. Il est difficile pour un homme dans son ascension professionnelle, à la mi quarantaine, dans un pays où tout semble possible, de garder les pieds sur terre. Je ne voulais pas aller a Jakarta, peut être aurais-je dû être plus convaincante…

Le pays ne m’a pas rendu ce que j’ai investi en lui, en m’occupant d’une association d’handicapés 100% indonésiens…

J’ai été aigrie pendant un temps vis a vis de ce pays qui lorsque je l’ai quitté ne m’avait pas accueillie a la hauteur de ce que je lui avais donne. Même si la pilule a été difficile a avaler. Aujourd’hui j’arrive a dissocier ce que j’ai accompli a Jakarta, ce qui s’est passé dans mon couple et les éléments positifs que je peux tirer de cette expérience.

C’est aussi pour cela que j’ai créé Expat’ResSoures, afin de prévenir, d’informer, de trouver les ressources nécéssaires, pour les femmes conjoints suiveurs.

L’accompagnement des femmes pour moi c’est bien plus que la partie logistique… c’est avant tout avoir un Buddy, quelqu’un sur qui compter avec qui parler, de tout absolument tout… et trouver des pistes et des ressources pour justement mieux vivre dans son pays d’accueil, même si on n’a pas trop d’affinités avec ce pays/cette culture…

Je suis aujourd’hui modératrice du groupe Expat Nanas : séparees, divorcées. Je soutiens et aide Isabelle Tine creatrice du groupe. De nombreuses femmes sont dans des situations très difficiles suite à des séparations et divorces a l’étranger. C’est un sujet qui me tient a cœur, et bien que moi même je sois restée en couple et ai continué l’expatriation, j’aime aider les femmes…. Un soutien emphatique, un peu d’humour…

 

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2 Responses

  1. J’ai bien aimé le témoignage de Nadège…. pas étonnant ! je retrouve les difficultés vécues…
    Suis épatée par son énergie et son courage… tant d’expatriations… je comprends qu’elle ait été au bord du burn out !

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